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Bill Drummond qui était un rêve des OfflinePeople

Ford Timelord, la Ford Gaxalie de KLF

Le meurtre de Médusa en trois films

Voiture américaine à vendre

Les OfflinesPeoples s’apprêtent à affronter Medusa, la Dodge Challenger noire aux ailes de feu. Mais la Medusa du film “BellFlower” (2012) n’est que la dernière incarnation de la Chevy 55 bleu délavée ou de la GTO jaune de “Two Lane Black Top - Macadam à deux voies” (1971). Elle fut aussi Ford Timelord dans “Doctorin’ the Tardis” (1988), le clip des Timelords et la compagne de Drummond et Cauty dans “The White Room” (1989), le film inachevé de KLF. Elle aurait tout aussi bien pu s'appeler, Christine, Speed Biscuit voir même KITT, ou être l’ambulance Cadillac de 1959 de “Ghostbuster” (1984), une sorte de rétrofuturisme traversant New York envahi par le slime rose… mais pas cette fois ci.

Garée dehors dans une rue, nous voyons pour la première fois la célèbre compagne des JAMS. Une carcasse rouillée. Une Ford Galaxy de 1968. Une voiture de la police américaine, retirée depuis longtemps du service actif. Dans les années soixante-dix elle avait été expédiée vers le Royaume-Uni pour jouer dans de nombreux films hollywoodiens tournés à Londres. C’est une vétérante des courses poursuites du Lower East Side, et elle a été aperçue faisant de courtes apparitions dans à peu près tous les Superman. Les JAMs l’ont achetée à l’automne dernier pour £230. Ils ont dépensé plus de £5 000 pour la maintenir en état de marche. Elle a été utilisée en couverture du single des Timelords “Doctor'in The Tardis”, et est apparue, polémique et blasée, répondant à des interviews dans de nombreuses émissions de télévision nationales.

The White Room - le script du film

J'ai acheté la voiture plus ou moins par hasard. J'ai vu une annonce dans laquelle était inscrit : "Voiture américaine à vendre" J’y suis allé, il y avait une voiture de police, et je me suis dit: "Ok, je la prends

Jimmy Cauty - Interview pour de-bug.de

Un objet inanimé avec une âme. Ford Timelord - une Ford Galaxie de 1968 de la Police Américaine, tunée avec un moteur V8 - devait être vivante pour Drummond & Cauty. C’est elle la chanteuse en portrait sur la pochette du disque “Doctorin’ the Tardis”. Elle aurait pu s'appeler Timmy Timelord ou Tyrone Timelord, mais ça sonnait moins bien. Elle devait être seule en scène et chanter dans l’émission Top of the Pops. Refusé. Puis elle aurait du être entourée de The Escorts, un groupe de quatre danseuses et ensemble, elles auraient été espiègles et sensuelles. Du “Pure Sunday Sport”(1) … spécifie Drummond, mais également Refusé.

Avant de rencontrer les JAMs, Ford Timelord était au service de la police, du coté de l’Ordre : elle a fait de nombreuses courses poursuites pour attraper les malfrats des films Hollywoodiens, “Superman IV” entre autres. Et après plusieurs années de bons et loyaux services elle s’est décidée à rejoindre les Justified and Ancients of Mu. C’est elle qui a mené Drummond et Cauty jusqu’en Suède afin qu’ils puissent rencontrer ABBA et négocier les samples du morceau “The Queen and I” dont ABBA ne voulait pas céder les droits. Elle est d’ailleurs repartie de Suède avec un coup de fusil dans l’aile arrière - tiré par un fermier un peu rustre - plus déterminée que jamais. Alors entièrement acquise à la cause des JAMs, elle apparaît dans plusieurs clips de groupes affiliés à KLF, dont Brilliant (le premier groupe de Jimmy Cauty), Disco 2000 (KLF et Cressida Cauty) et les Beatmasters (sur le titre “Who’s in the House?”). Pendant cette période, comme au service, elle se fera faire divers tatouages : un numéro “23” sur le toit, le logo des JAMs et la pyramide de KLF sur les portes et le capot. Et tout comme les gorgones - les trois soeurs dont Medusa est la benjamine - Ford Timelord aura elle aussi plusieurs soeurs jumelles qui se substitueront à elle au fil des différentes aventures de KLF.

Loin d’être une ombre vaine, Ford Timelord devait être quelque chose d’incroyable, d’hors norme, un objet mythique. KLF élaborèrent de nombreux plans pour elle. Ford Timelord aurait dû s’écraser contre Stonehenge. Être enterrée par l’avant à Silbury Hill, figée comme le monolithe de “2001, l’Odyssée de l’espace”. Mais Silbury Hill est protégé par un gang de lesbiennes anarchistes et Drummond & Cauty changent d’idée : avec sa peinture blanche et noire et l’aide des lesbiennes anarchistes, Ford Timelord, doit alors servir de modèle coloriel pour repeindre les dolmens de Stonehenge, tout en noir et blanc eux aussi… mais cette fois ci, c’est Drummond et Cauty qui se dégonflent : conflit d’intérêts entre fantasmes de musiciens masculins et lesbiennes anarchistes…

La mort Ford Timelord

Les conditions de sa disparition sont contradictoires. Certains affirment qu’elle a participé à un Demolition Derby, en 1992, lors d’une course de charité organisée dans un champ de course de lévriers et qu’elle aurait péri écrasée sous l’automitrailleuse fraîchement acquise par Jimmy Cauty ; d’autres prétendent qu’elle a disparu dans un coucher de soleil vidéo… nous, nous prétendons qu’elle s’est réincarnée. Et des longues autoroutes à deux voies, monte désormais sa mélopée…

Mais à présent, Ford Timelord, ou plutôt Medusa sa soeur maléfique, se tient face aux OfflinePeople : elle sort d’un long dérapage au ralenti, et crache ses flammes dorées, menaçante comme un taureau prêt à charger. Ses roues fument. Ses yeux sont heureusement encore clos, cachés dans l’ombre de sa calandre…

Nous nous croyions malin, nous n’étions que des imbéciles.

La phrase de Drummond résonne dans la tête des OfflinePeople. Medusa vibre et ses courbes s’estompent : elle se métamorphose en Ford Timelord, en Chevy 55, en Pontiac GTO et en bien d’autres formes à quatre roues. Les OfflinePeople tremblent de tous leurs membres, il va falloir faire face à celle qui habite non loin du royaume des morts et qui sème l’horreur et l’épouvante chez les immortels : Medusa, la divinité primordiale a le sommeil agité. En guise de bouclier de bronze, les OfflinePeople projettent un autre reflet archétypale devant eux. Celui de la Route 66, celle de Bobby Troup chantée par les Rolling Stones, celle de “Sur la route” de Kerouac (1957), celle d’”Easy Rider” de Dennis Hopper (1966), celle de “Two Lane Black Top” de Monte Hellman (1971) et celle… “Well, if you ever plan to motor west, just take my way that's the highway that's the best” - bref, accrochez vos ceintures, il va falloir remonter le cours mouvementé de la route 66.

“Sur la route” n’était pas un simple slogan ou le reflet de voyages faits au petit bonheur : c’était un état d’esprit nécessaire. Nous n’arrêtions pas de bouger parce qu’il n’y avait en fin de compte pas d’endroit où trouver la paix. Sans cesse la pression des différences, l’incapacité d’établir des relations stables, de trouver ce qui pourrait nous fixer utilement, tout cela maintenait un monde somme toute ordinaire à une distance douloureuse, tout juste hors de portée, toujours au-dessus de nos moyens.

Jack Kerouac - Vraie blonde, et autres